Savoir vivre. Manuel à l’usage des désespérés.
Hélène Fresnel :
Vous soutenez que la rupture amoureuse est plus propice à déclencher le sursaut que des conditions socio-économiques désastreuses ?
Robert Misrahi :
Oui, parce qu’elle remet en question l’essentiel du sujet c’est à dire sa signification dans l’existence. Sans amour, il n’y a pas de sens à la vie. Je ne veux pas dire qu’un amour doit être unique et perpétuel. Il faut au contraire être capable de passer de l’un à l’autre. Nous avons tous besoin de justification, de reconnaissance et d’aide. L’individu tout entier est concerné dans son corps et son esprit.
Quand la séparation surgit, il est renvoyé à sa condition humaine primitive, c’est à dire solitaire et fragile, à des blessures profondes, « narcissiques », à la sensation de vide, au sentiment de ne pas avoir été reconnu ou d’avoir été méconnu et au plus douloureux : la perte de l’être aimé.
Alors quand cela se produit, au lieu de colmater sa douleur par des activités sociales extérieures, il doit l’approfondir, creuser son sens pour se reconstruire seul et revoir complètement ses modes de vie anciens. Chercher à « boucher » le trou ne sert à rien. Nous ne pouvons pas résoudre cette crise absolument existentielle sans commencer par refuser d’imiter ce que nous avons fait. La perte de l’être aimé, ce n’est pas seulement celle d’un être qui nous aime, comme nous le croyons généralement. C’est d’ailleurs parce que l’on commet cette erreur que nous répétons les mêmes choses. Nous cherchons simplement quelqu’un qui va nous aimer parce que nous avons perdu quelqu’un qui nous a aimés. Nous ne bougeons pas, ligotés par cette nécessité d’attendre qu’on nous aime.
« Aimer, c’est être aimé », prétendent Sartre et d’autres. Non. L’amour, ce n’est pas l’amour de l’amour. Non. Je ne veux pas être aimé par n’importe qui. Je veux être aimé par celle ou celui que j’aime. De là vient la souffrance la plus totale. Si l’autre part, il est irremplaçable puisque sa personnalité était unique. C’est lui qui me cause ce chagrin immense. L’amour est l’amour de quelqu’un de précis.
C’est pour cette raison que changer d’amant, changer d’objet ne résout rien. Nous répétons les mêmes erreurs anciennes, par facilité, par manque d’imagination, peur, culture, alors que nous ne sommes pas « condamnés » à cette attitude : il n’y a pas d' »instinct » de répétition, de poussée biopsychique organique et involontaire. Seulement, il est très difficile de changer car pour y parvenir, nous devons modifier radicalement la concetion que nous avons de nous-mêmes, celle que l’on a de l’autre, de l’amour, de ce que l’on en attend, du temps.
« Savoir vivre. Manuel à l’usage des désespérés. »
Robert Misrahi – Hélène Fresnel
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LES 4 ACCORDS TOLTÈQUES
Premier accord toltèque
« Que votre parole soit impeccable. »
Quelle que soit votre façon de parler, votre intention se manifeste par la parole. Ce dont vous rêvez, ce que vous sentez et ce que vous êtes vraiment, tout cela se manifeste par la parole.
La parole est votre outil le plus puissant en tant qu’être humain ; c’est un instrument magique. Mais comme une lame à double tranchant, votre parole peut créer les rêves les plus beaux ou tout détruire autour de vous.
Si elle réussit à capter notre attention, une parole peut pénétrer notre esprit et changer toute une croyance, en mieux ou en pire.
Le mot impeccable vient du latin pecatus, qui signifie « péché » et du radical im- qui signifie « sans » ; impeccable signifie donc « sans péché ». Les religions parlent de péchés et de pécheurs, mais voyons de plus près ce que signifie vraiment pécher.
Un péché est quelque chose que vous commettez contre vous-même. Toute chose que vous sentez, croyez ou faites à l’encontre de vous-même est un péché. Vous agissez contre vous-même lorsque vous vous jugez ou critiquez pour n’importe quoi. Etre sans péché, c’est donc faire exactement l’inverse. Etre impeccable, c’est ne rien faire contre soi-même. Lorsque vous êtes impeccable, vous assumez la responsabilité de vos actions, mais vous ne vous jugez pas, vous ne vous critiquez pas.
Avoir une parole impeccable, c’est faire bon usage de votre énergie ; cela signifie que vous l’utilisez dans le sens de la vérité et de l’amour de vous-même. Si vous concluez cet accord avec vous-même, que votre parole soit impeccable, cette seule intention manifestera la vérité en vous et nettoiera tout le poison émotionnel qui subsiste en vous. Mais il est difficile de conclure cet accord parce que nous avons appris exactement l’inverse. Nous avons appris le mensonge comme mode de communication avec les autres et surtout avec nous-mêmes. Notre parole n’est pas impeccable.
Le pêché commence par le rejet de soi. Se rejeter soi-même est le plus grand pêché que vous puissiez commettre.
Avoir une parole impeccable vous immunisera également contre tous les sorts négatifs d’autrui. Vous ne pouvez recevoir une idée négative que si votre esprit y est ouvert. A la place, il deviendra fertile pour celles issues de l’amour.
Deuxième accord toltèque
« Quoi qu’il arrive autour de vous, n’en faites pas une affaire personnelle. »
Non, je ne prends rien de ce qui m’est dit ou de ce qui m’arrive de façon personnelle. Ce que vous pensez, ce que vous ressentez, c’est votre problème, pas le mien. C’est votre façon de voir le monde. Cela ne me touche pas personnellement, parce que vous n’êtes confronté qu’à vous-mêmes, pas à moi. D’autres auront une opinion différente, selon leur système de croyances ; donc, ce qu’ils pensent de moi ne concerne pas vraiment ma personne, mais eux-mêmes.
Ce n’est pas ce que je vous dis qui vous blesse : ce sont vos propres plaies intérieures qui réagissent lorsqu’elles sont touchées par mes propos. Vous vous blessez vous-mêmes. Je ne peux en aucune manière prendre vos reproches personnellement.
Où que vous alliez, vous découvrirez des gens qui vous mentent et, à mesure que votre conscience augmentera, vous vous rendrez compte que vous vous mentez également à vous-mêmes. Ne vous attendez pas à ce que les gens vous disent la vérité, car ils se mentent aussi à eux-mêmes. Vous devez vous faire confiance et choisir de croire ou non ce que l’on vous dit.
Lorsqu’on voit vraiment comment sont les gens, sans jamais réagir de façon personnelle, rien de ce qu’ils peuvent dire ou faire ne peut nous blesser. Même si l’on vous ment, cela ne fait rien. Celui qui agit ainsi le fait parce qu’il a peur. Peur que vous découvriez qu’il n’est pas parfait. C’est douloureux de retirer son masque social.
Lorsque les gens disent une chose et en font une autre, c’est vous mentir que de ne pas écouter leurs actes. Mais si vous êtes honnête envers vous-même, vous vous épargnerez beaucoup de douleur émotionnelle. Certes, accepter la vérité sur quelque chose ou quelqu’un peut s’avérer douloureux, mais il n’est pas nécessaire de vous attacher à cette douleur. La guérison est en chemin et ce n’est qu’une affaire de temps avant que votre situation ne s’améliore.
Si quelqu’un ne vous traite pas avec amour et respect, prenez comme un cadeau qu’il vous quitte un jour. S’il ne le fait pas, vous passerez certainement des années à souffrir avec lui (ou elle). La séparation sera douloureuse pendant quelque temps, mais votre coeur guérira. Puis vous pourrez choisir ce que vous voulez. Vous découvrirez que vous avez besoin de faire confiance moins aux autres qu’à votre propre capacité à effectuer de bons choix.
Au fur et à mesure que vous prendrez l’habitude de cet accord, vous n’aurez plus besoin de faire confiance à ce que les gens disent ou font. Il vous suffira d’avoir confiance en votre capacité à effectuer des choix responsables. Vous n’êtes jamais responsable des actions d’autrui ; seulement de vous-mêmes. Lorsque vous comprenez vraiment cela et que vous refusez de prendre quoi que ce soit personnellement, les commentaires et actions des gens ne peuvent pour ainsi dire plus vous blesser.
Si vous respectez cet accord, vous pouvez voyager dans le monde entier, le coeur totalement ouvert, et personne ne peut vous blesser. Vous pouvez dire « je t’aime » sans crainte du ridicule ou du rejet. Vous pouvez demander ce dont vous avez besoin. Vous pouvez dire « oui » ou « non », selon ce que vous choisissez, sans culpabilité ni jugement de soi. Vous pouvez choisir de toujours suivre votre coeur. Alors, même au milieu de l’enfer, vous continuerez de vivre dans la paix intérieure et le bonheur. Vous pouvez demeurer dans un état de félicité, et l’enfer n’aura aucune prise sur vous.
Troisième accord toltèque
« Ne faites pas de suppositions. »
Il est très intéressant de voir comment l’esprit humain fonctionne. Nous avons besoin de tout justifier, de tout expliquer, de tout comprendre, afin de nous rassurer. Il y a des millions de questions auxquelles nous cherchons les réponses, car il y a tant de choses que notre esprit rationnel ne peut expliquer. Peu importe que la réponse soit correcte ; le seul fait de trouver une réponse nous rassure. C’est pour cela que nous faisons des suppositions.
On suppose que tout le monde voit la vie comme nous la voyons. On suppose que les autres pensent comme nous pensons, qu’ils ressentent les choses comme nous les ressentons, qu’ils jugent comme nous jugeons. Voilà la supposition la plus importante que font les humains. C’est la raison pour laquelle nous craignons d’être nous-mêmes avec les autres, car nous pensons qu’ils vont nous juger, nous maltraiter et nous critiquer, comme nous le faisons nous-mêmes. C’est pourquoi, avant même que les autres puissent nous rejeter, nous nous sommes déjà rejetés nous-mêmes. Voilà comment fonctionne l’esprit humain.
On n’a pas à justifier l’amour ; l’amour est présent ou il ne l’est pas. L’amour véritable consiste à accepter les autres tels qu’ils sont sans essayer de les changer. Si nous essayons de les changer, cela signifie qu’on ne les aime pas vraiment. C’est pourquoi, de toute évidence, si vous décidez de vivre avec quelqu’un, si vous voulez conclure cet accord, il est préférable de le faire avec celui ou celle qui est exactement tel que vous le souhaitez. Trouvez quelqu’un que vous n’ayez pas à changer. Il est beaucoup plus facile de dénicher quelqu’un qui soit déjà comme vous le souhaitez, plutôt que de vouloir le changer.
Le meilleur moyen de vous empêcher de faire des suppositions est de poser des questions. Vérifiez que vos communications soient claires. Si vous ne comprenez pas, demandez. Ayez le courage de poser des questions jusqu’à ce que tout soit aussi clair que possible, et même alors, ne pensez pas que vous savez tout ce qu’il y a à savoir sur telle situation. Lorsque vous aurez obtenu la réponse désirée, alors vous n’aurez plus besoin de faire des suppositions car vous saurez la vérité.
Utilisez votre voix pour demander ce que vous voulez. Chacun a le droit de vous dire « oui » ou « non », et vous-même avez toujours le droit de demander. Inversement, tout le monde peut vous interroger, et vous avez la possibilité de dire « oui » ou « non ».
Si vous ne comprenez pas quelque chose, il vaut mieux poser une question et être au clair plutôt que de faire des suppositions ou de prêter des intentions à autrui. Le jour où vous cesserez de le faire, vous communiquerez de façon propre et claire, libre de tout poison émotionnel. Si vous ne faites plus de suppositions, votre parole devient impeccable.
Une information ou une idée ne sont que des graines dans notre esprit. Ce qui va vraiment faire la différence, c’est l’action.
Lorsque vous modifiez votre rêve, la magie arrive dans votre vie. Ce dont vous avez besoin vient à vous sans peine, car l’esprit se meut librement en vous. C’est ce que l’on appelle la maîtrise de l’intention, la maîtrise de l’esprit, la maîtrise de l’amour, la maîtrise de la gratitude, et la maîtrise de la vie. Voilà le chemin qui conduit à la liberté personnelle.
Quatrième accord toltèque
« Faites toujours de votre mieux. »
Faites donc simplement de votre mieux, quelles que soient les circonstances de votre vie. Peu importe que vous soyez fatigué ou malade, si vous faites toujours de votre mieux, il vous est impossible de vous juger. Et si vous ne vous jugez pas, il n’est pas possible de subir la culpabilité, la honte et l’auto-punition. En faisant toujours de votre mieux, vous romprez un grand sort auquel vous avez été soumis.
Si vous entreprenez une action parce que vous le devez, il est impossible de l’effectuer au mieux. Alors autant ne pas la faire. Non, faites de votre mieux parce qu’agir ainsi vous rend heureux. Lorsque vous le faites simplement pour le seul plaisir que vous y trouvez, vous n’agissez que parce que vous aimez cela.
Faire de mon mieux est devenu un rituel dans ma vie, car j’ai fait le choix d’en faire un rituel. C’est une croyance, comme d’autres croyances que j’ai choisies. Je fais de chaque chose un rituel, et je fais toujours de mon mieux.
Lorsque la vie vous prive soudain de quelque chose, détachez-vous en.
Lorsque vous pratiquez le renoncement et que vous vous détachez du passé, vous vous donnez la possibilité d’être pleinement vivant dans l’instant.
Nous n’avons pas de temps à perdre à regretter quelque chose ou quelqu’un, car nous sommes vivants. Ne pas apprécier ce qui se passe à l’instant même, c’est vivre dans le passé et n’être qu’à moitié vivant. Cela conduit à l’auto-apitoiement, à la souffrance et aux larmes.
Nous n’avons pas à savoir ni à prouver quoi que ce soit. Nous n’avons qu’à être, qu’à prendre le risque d’apprécier notre vie, c’est tout ce qui compte. Dites « non » lorsque vous voulez dire non » et « oui » quand vous voulez dire « oui ». Vous avez le droit d’être vous-mêmes. Et vous ne pouvez être vous-mêmes qu’en faisant de votre mieux.
Il vous faut vous lever et assumer votre humanité. Honorez l’homme ou la femme que vous êtes. Respectez votre corps, appréciez-le, aimez-le, nourrissez-le, lavez-le et soignez-le. Faites de l’exercice et adonnez-vous à des activités qui font du bien à votre corps.
« Les 4 accords toltèques »
Don Miguel Ruiz
Edition Jouvence
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LES 10 IDÉES LES PLUS IRRATIONNELLES
L’approche émotivo-rationnelle ou l’intelligence émotionnelle
« Ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les choses mais le jugement qu’ils portent sur ces choses, enseignait Epictète ».
Il a dit également : » Ce n’est pas la mort qui fait peur, c’est l’idée qu’on se fait de la mort. » Ce qui veut dire qu’en travaillant sur les pensées, on arrive à trouver un équilibre entre les émotions et la raison : par la connaissance, par la réflexion, par l’expérience. Et cela rejoint beaucoup certains principes qu’on retrouve dans l’enseignement bouddhique, tibétain en particulier.
Le fondement même de cet enseignement repose en partie sur une réflexion que l’on doit se faire à partir d’un certain nombre d’idées irrationnelles.
Dans l’approche émotivo-rationnelle, Albert Ellis en répertorie une dizaine.
– L’idée irrationnelle numéro 1 stipule que nous devons « obtenir l’approbation ou l’amour de tous les gens qui comptent pour vous ». Si vous croyez cela, vous entretenez une idée irrationnelle. Et si vous vivez avec cette croyance, vous ne pouvez faire autrement que de vous sentir malheureux. Il faudrait donc que vous acceptiez l’idée que vous n’obtiendrez pas nécessairement l’approbation ou l’amour de tous les gens qui comptent pour vous. Voilà une première démarche qu’on peut entreprendre.
En exigeant l’amour de pratiquement tout un chacun, vous vous imposez un but inaccessible basé sur le perfectionnisme.
Même si vous exigez l’amour d’un nombre réduit de personnes, vous ne pourrez pas en général l’obtenir de toutes.
Une fois votre besoin absolu d’amour et d’approbation établi, vous êtes enclin à vous soucier de son intensité et de sa durée.
Si vous avez toujours besoin d’amour, vous devez toujours paraître aimable.
En supposant que vous puissiez gagner l’approbation de tous ceux dont l’amour vous est nécessaire, vous ne pourriez atteindre d’autre but tant vous devriez y consacrer temps et effort. Tenter continuellement d’obtenir l’approbation d’autrui indique que vous consentez à vivre votre vie selon ce que les autres pensent et veulent, renonçant conséquemment à vos propres buts. Cela veut donc également dire vous faire duper en « achetant » l’approbation des autres au détriment de vos propres désirs et de vos propres valeurs.
L’émotion négative vient d’une pensée erronée, irrationnelle, il y en a quelques-unes que nous partageons presque tous et il faut passer par le raisonnement pour crever le ballon, et débusquer la pensée irrationnelle qui se cache derrière. Disons, par exemple, que vous êtes tourmenté parce que vous avez échoué dans quelque chose. Voilà une émotion négative, et cela vient d’une pensée irrationnelle qui serait peut-être celle-ci : l’idée que vous devez absolument vous montrer compétent. Ce n’est pas réaliste, vous le savez, et pourtant, si vous ratez quelque chose dans un domaine qui est celui dans lequel vous devriez exceller, ou si vous vous sentez obligé d’exceller, vous développez une peur excessive de l’échec. Vous entretenez des émotions négatives à partir d’une pensée erronée et irrationnelle selon laquelle vous devez réussir dans tous les domaines. D’une manière évidente, pratiquement personne ne peut s’avérer compétent et magistral sur tous les plans. Et quasiment personne ne peut prétendre à une réussite totale, etc. Il faut donc extirper cette idée de votre cerveau.
– Idée irrationnelle numéro 2 donc :
« L’idée que vous devez vous montrer tout à fait compétent, apte et capable de réussir. »
A propos de blâmer et de condamner, si vous pouviez cesser de vous blâmer vous-même ou de condamner les autres ou le cruel destin, écrit Albert Ellis, vous découvririez qu’il est virtuellement impossible de se sentir émotivement perturbé à propos de quoi que ce soit. Parions que vous ne cessez de vous blâmer, et de condamner les autres aussi. Vous avez tendance à vous agripper à l’Idée Irrationnelle numéro 3.
– Idée irrationnelle numéro 3 : « Lorsque les gens se conduisent d’une manière détestable ou injuste, vous devez les blâmer et les condamner, et les tenir pour de mauvaises personnes. » L’idée que les gens s’avèrent mauvais provient d’une autre fausse notion, explique Ellis : à savoir la définition le plus souvent erronée de ce qui constitue un comportement bon ou mauvais, moral ou amoral. C’est bien toute la question des opinions et des valeurs.
Les personnes ayant adopté la philosophie consistant à se blâmer elles-mêmes pour leurs erreurs seront enclines à se sentir si terrorisées à l’idée de commettre d’autres fautes, qu’elles s’abstiendront de faire des expériences, de courir des risques et de s’engager dans la vie. Le fait de blâmer des gens nous pousse à confondre leurs mauvaises actions avec leur culpabilité. Quel que soit le nombre d’actes répréhensibles qu’ils puissent commettre, les gens ne peuvent pas s’avérer intrinsèquement mauvais, puisqu’ils pourraient éventuellement modifier leur comportement et ne plus faire la même faute. On s’aperçoit que, finalement, c’est toujours un raisonnement qui vient nous libérer des tensions suscitées et entretenues par une pensée erronée et irrationnelle.
– Idée irrationnelle numéro 4 : « La frustration mène nécessairement à l’agression. » C’est l’idée que vous devez percevoir les choses comme étant épouvantables, terribles, horribles et catastrophiques lorsque vous éprouvez de grandes frustrations, ou lorsqu’on vous traite injustement ou qu’on vous rejette. Bien que vous puissiez sans aucun doute trouvez cela déplaisant ou fâcheux, vous ne percevez pas la privation comme étant catastrophique ou horrible à moins que vous ne le pensiez. Si vous avez réussi à vous rendre vous-même terriblement contrarié et déprimé à cause de vos frustrations, vous allez presque invariablement vous empêtrer dans vos efforts pour les éliminer. Plus vous gaspillerez de temps et d’énergie à vous battre contre votre triste sort, à tempêter contre ceux qui vous frustrent et à grincer des dents en signe de désespoir, moins vous serez porté à recourir à des actions efficaces pour satisfaire vos besoins.
Qu’elle vous plaise ou non, vous feriez mieux d’accepter la réalité lorsque vous ne pouvez pas la changer. C’est tout à fait dans le sens de ce qu’enseignent les stoïciens. La réalité existe : si elle comporte des infortunes et des frustrations, vous pouvez percevoir cela comme étant fâcheux. Mais pas catastrophique ! Aussi longtemps que vous êtes en vie et que vous jouissez d’une assez bonne santé, vous restez maître de votre destin et le timonier de votre âme. Il se peut que la réalité entrave vos buts et qu’elle y fasse échec. Mais elle ne peut vous vaincre entièrement. Vous seul pouvez causer votre propre perte, si vous avez la conviction que ce qui existe ne devrait pas exister, ou qu’étant donné que les choses vous accablent, vous devez vous sentir déprimé. Cela revient toujours à dire : « pensez autrement ! »
– Idée irrationnelle numéro 5 : A propos du destin, « l’idée que la détresse affective résulte de pressions externes et que vous avez peu de capacité pour commander à vos propres sentiments ou pour les changer. » Cette idée est dépourvue de sens. Tout d’abord, en mettant les choses au pire, les gens et les événements extérieurs ne peuvent rien faire d’autre que de vous infliger des maux physiques ou vous faire subir différentes sortes d’incommodités ou de privations. La souffrance qu’ils vous « causent », particulièrement les sentiments d’horreur, de panique, de honte, de culpabilité et d’hostilité, provient en grande partie du fait que vous prenez leurs critiques ou leur rejet trop au sérieux.
Ellis poursuit : vous répétez à tort que vous ne pouvez pas supporter leur désapprobation ou que vous ne pouvez pas avoir du plaisir dans la vie sans leur approbation. Ce n’est pas possible de vivre comme ça ! Avec tous ces aspects irrationnels du genre : il faudrait, il faut que, j’aurais donc dû, si j’avais su…
– Idée Irrationnelle numéro 6 : On arrive à se faire peur, également. « L’idée que vous devez nourrir des inquiétudes et vous rendre anxieux à propos de quelque chose qui semble dangereux ou effrayant. » Il existe des peurs réelles et des craintes rationnelles, bien sûr, mais ce n’est pas le sens de son discours. L’anxiété, selon le sens que nous prêtons à ce terme, consiste en un souci excessif, en une peur inutile ou exagérée, explique-t-il. On est en train de travailler au niveau du mental quand on se pose toutes ces questions. C’est parce qu’on pense un peu de travers qu’on est plus malheureux qu’on devrait l’être, peut-être…
Remontez le cours de vos inquiétudes et de vos angoisses jusqu’aux croyances spécifiques qui les génèrent, conseille Albert Ellis.
– Idée irrationnelle numéro 7 : Changez les croyances, comme par exemple : « L’idée qu’il vous est plus facile d’esquiver les responsabilités et les nombreuses difficultés de la vie que de vous imposer des formes de discipline personnelle plus gratifiantes. La notion selon laquelle la solution la plus facile se révélerait la meilleure mène à éviter l’action. »
Ah ! le piège du passé ! Un grand classique…
– Idée irrationnelle numéro 8 : « L’idée que votre passé demeure d’une importance primordiale et que, puisqu’un quelconque événement a déjà eu une influence considérable dans votre vie, il doit continuer à déterminer vos sentiments et votre comportement aujourd’hui. » C’est clair, on est à peu près tous d’accord là-dessus. En demeurant grandement influencé par votre passé, vous ferez subsister ce que les psychanalystes appellent les effets de transfert, reportant injustement les sentiments que vous nourrissiez à l’égard de gens dans le passé sur les personnes avec qui vous êtes en contact aujourd’hui. Cela me paraît être un détail extrêmement important : ne pas faire subir un mauvais sort aux gens avec lesquels vous êtes en contact aujourd’hui à cause d’événements ou de gens qui seraient intervenus dans votre passé.
– Idée irrationnelle numéro 9 : « L’idée que les gens et les choses devraient s’avérer meilleurs qu’ils ne le sont, et que vous devriez considérer qu’il est affreux et horrible de ne pas réussir à trouver des solutions satisfaisantes aux dures réalités de la vie. » Il n’y a aucune raison pour laquelle les gens devraient se révéler un tant soit peu meilleurs qu’ils ne le sont. Comme Epictète l’a fait observer il y a 2000 ans, même si nous avons une vaste capacité de nous changer et d’exercer un contrôle sur nous-mêmes, nous ne disposons pas d’un pouvoir semblable pour commander au comportement des autres. À retenir…
– Enfin, idée irrationnelle numéro 10 : « L’idée que vous pouvez atteindre au plus grand bonheur qui soit par la paresse et l’inaction, ou en vous donnant du bon temps, de manière passive et sans jamais vous engager. » Selon Ellis, la plupart des personnes intelligentes et sensibles ont besoin d’activités pleinement absorbantes pour demeurer heureuses et éveillées au maximum. On peut, et il le faudrait, s’absorber dans des activités créatrices.
J’espère que ces petites suggestions vous seront aussi utiles qu’à moi.
Albert ELLIS : L’approche émotivo-rationnelle
Editions de l’Homme – 1992
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LE JOUR OU LE BOUDDHA SE FIT INSULTER
En effet , un jour dans la foule venue l’écouter, se trouvait un homme que la sainteté de Bouddha exaspérait. Il hurle des insultes à Bouddha, puis s’en va, fulminant de colère. Longeant les rizières du village, sa colère s’apaise, et petit à petit, un profond sentiment de honte l’envahit. Comment a-t-il pu se comporter ainsi ? Il décide de revenir au village et de demander pardon à Bouddha. Arrivant devant ce dernier, il se prosterne et demande pardon pour la violence de ses propos. Bouddha, débordant de compassion, le relève, lui expliquant qu’il n’a rien à pardonner. Etonné, l’homme rappelle les injures proférées. – « Que faites-vous si quelqu’un vous tend un objet dont vous n’avez pas usage, ou que vous ne voulez pas ? » demande Bouddha. – « Et bien, je ne le prends simplement pas » remarqua l’homme. – « Que fait alors le donateur ? » s’enquiert Bouddha. – « Ma foi, il garde son objet » répond l’homme. « C’est sans doute pourquoi vous semblez souffrir des injures et des grossièretés que vous avez proférées. Quant à moi, rassurez-vous, je n’ai pas été accablé. Cette violence que vous donniez, il n’y avait personne pour la prendre » répondit le sage.
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PARLER D’AMOUR AU BORD DU GOUFFRE
Gouvernés par l’image qu’on se fait de nous-même
L’enfant a appris, au cours des interactions quotidiennes, à répondre à l’idée qu’il se fait de » lui avec les autres « . Tout être vivant réagit inévitablement à des perceptions, mais un petit humain, dès le sixième mois, répond aussi à la représentation de » lui avec les autres » qui s’est construite en s’imprégnant dans sa mémoire. Un nouveau-né ne peut survivre que s’il dispose autour de lui de figures d’attachement. Seul, il n’a aucune chance de se développer. Dans le déroulement spontané des faits biologiques, la figure d’attachement est presque toujours la mère qui l’a porté. Mais toute personne qui veut bien s’occuper du nourrisson, une autre femme, un homme ou une institution, assume cette fonction de figure d’attachement composée d’images, de sensorialités et d’actes adressés au nouveau-né. De gestes en gestes, ce réel sensoriel s’imprègne dans la mémoire du petit et lui apprend à attendre certains comportements qui viendront de ces figures d’attachement. Une mère rendue malheureuse par son histoire, son mari ou son contexte social, émettra une sensorialité de femme déprimée : visage peu expressif, absence de jeux corporels, regards détournés, verbalité morne. Dans un tel bain sensoriel qui traduit le monde mental de la mère, le bébé apprend à réagir par des comportements de retrait. Dès la fin de la première année, il lui suffit de percevoir cette figure d’attachement malheureuse pour qu’il attende des interactions de mère triste. Le bébé ne réagit pas seulement à ce qu’il perçoit, il répond à ce qu’il guette, il anticipe ce qu’il a appris. Dès la troisième année, le petit, arrivant à l’âge de l’empathie, devient capable de répondre aux représentations qu’il se fait des représentations du monde mental de sa mère, de ses motivations, de ses intentions et même de ses croyances : » Elle va encore croire que c’est moi qui ai mangé le chocolat, alors que c’est mon frère. » Un bébé qui se développe dans un monde glacé s’attend à ce que les autres lui apportent la glace. Il pense presque : » Toute relation affective provoque le froid. » À l’inverse, un enfant qui se sent aimé se croit aimable puisqu’il a été aimé. Cette empreinte dans sa mémoire, à l’occasion de la banalité des gestes de la survie, a donné à l’enfant une représentation de soi confiante et aimable, à laquelle il répond quand il entre en relation. Cet apprentissage donne un style affectif durable qui s’exprime encore lors des premières rencontres amoureuses : » Quand je pense à qui je suis, je m’attends à ce qu’elle me méprise. » Le jeune peut aussi penser : » Quand je pense à qui je suis, je crois qu’elle va m’accepter. » Cette représentation de » moi avec un autre » est une co-construction qui dépend des rencontres mais peut évoluer, comme tout phénomène de mémoire, vers l’effacement, le renforcement ou la métamorphose.
Boris Cyrulnik Parler d’amour au bord du gouffre (extrait p.110 à 112)
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LA PYRAMIDE DE MASLOW
Abraham Maslow qui est devenu la référence incontournable en matière de besoins humains. Je rappelle ici l’essentiel de ses travaux.
Le grand intérêt des travaux d’Abraham Maslow, c’est d’avoir pu dégager, identifier un certain nombre de besoins propres au monde occidental et particulièrement intéressants pour le monde du travail. Le principe de hiérarchie s’applique à la désormais célèbre pyramide des besoins. A savoir: un besoin nouveau (supérieur) n’émerge que lorsque le (ou les) besoins) inférieur(s) a(ont) été relativement satisfait(s).
Pour se faire comprendre, Maslow imagine un homme d’affaires voyageant en avion d’un continent à l’autre, ce qui lui permet d’assurer largement sa survie et sa sécurité, et aussi de méditer sur les beautés de l’art roman, ce qui est l’un de ses centres d’intérêt. Notre homme se trouve ainsi occupé à méditer – et donc à satisfaire son besoin de réalisation de lui-même, sommet de la pyramide. Survient un accident technique et le commandant de bord annonce un atterrissage forcé ! A quel « étage » de la pyramide pensez-vous que vont se situer les préoccupations de notre homme d’affaires dans les minutes qui suivent ?
Les différents besoins ou les étages de la pyramide :
– 1) Le besoin de survie
L’être humain a d’abord besoin de survivre (besoin d’air, de sommeil, de protection contre la nature, de nourriture, de boisson, de reproduire l’espèce, etc.). Un autre besoin fondamental est moins connu : le besoin de strokes*. En l’absence de strokes, le système nerveux (et plus particulièrement la moelle épinière) peut se « flétrir » .
* Stroke Eric Berne, fondateur de l’Analyse transactionnelle, dans son ouvrage « des jeux et des hommes », introduit la notion de stroke : « Il est permis d’employer le mot stroke afin de désigner tout acte impliquant la reconnaissance de la présence d’autrui.» On appelle stroke une unité de contact humain. On peut le comparer à la calorie, qui est une unité alimentaire et considérer le stroke comme une calorie psychologique. Nous savons que nous avons besoin, en moyenne, d’un certain nombre de calories par jour. Il peut y avoir des fluctuations d’un jour à l’autre. Tous les aliments ne donnent pas la même quantité de calories. Il importe donc de trouver notre compte au travers de la variété des aliments. De même, nous avons besoin d’une certaine quantité de contacts pour survivre. Certains sont, comme pour les calories, pauvres en strokes (un simple regard dans la foule, un « bonjour » rapide, etc.). D’autres sont moyens (échange d’informations professionnelles, discussion courte, etc.). D’autres sont riches en strokes (conversation longue, jeu de plaisir, intimité, longue discussion d’opposition, dispute, etc.) . C’est dire qu’en lançant un simple regard à quelqu’un ou en lui adressant gentiment la parole, en lui souriant ou, par contre, en lui donnant un coup, physique ou psychologique, en l’insultant, en l’«engueulant », en le frappant, on lui donne un stroke.
Le mot stroke est souvent traduit par « caresse » pour désigner une unité de contact entre deux êtres humains. Ce terme peut surprendre car dans le cas d’une dispute on parle de « caresse négative ». Comme il arrive à bien des humains, de rechercher de manière inconsciente des stokes négatifs tels que des « coups psychologiques » (insultes, engueulades, dévalorisations de toutes formes), il est toujours difficile d’associer les mots caresse et négative, d’expliquer donc que des êtres humains s’arrangent pour obtenir des caresses négatives. Voilà pourquoi nous préférons conserver le mot anglais « stroke » qui littéralement, veut dire « coup » et « caresse ». L’Analyse Transactionnelle distingue les strokes positifs (+) (valorisants) des strokes négatifs (-) (dévalorisants).
*Strokes positifs : expression de considération, d’affection, remarques valorisantes, jeux de plaisir, etc.
*Strokes négatifs : remarques désobligeantes, déconsidération, insultes, etc.
2) Le besoin de sécurité
Il s’agit, pour l’être humain, d’organiser sa vie de manière à garantir sa survie: c’est le besoin de sécurité. 3) Le besoin de reconnaissance C’est le besoin de savoir que l’on compte pour les autres. Pour satisfaire ce besoin, les strokes (+ ou -) sont l’aliment premier. L’être humain va faire beaucoup pour l’obtenir.
4) Le besoin d’estime
C’est le besoin de recevoir, de certaines personnes de son entourage, des signes de reconnaissance positifs, des strokes positifs.
5) Le besoin de réalisation de soi
C’est le besoin d’affirmer d’une manière personnelle son caractère tout à fait unique, de réaliser ses potentialités, ses dons. De donner à ce qu’on fait (et ce peuvent être les choses les plus simples) sa touche personnelle.
Extrait de l’ouvrage de René de Lassus « La communication efficace par la PNL »
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Ecouter… De Virginia Satir
Lorsque je te demande de m’écouter, et que tu me donnes des conseils, tu ne fais pas ce que je t’ai demandé.
Lorsque je te demande de m’écouter, et que tu me dis que je ne devrais pas me sentir ainsi, tu piétines mes sentiments.
Lorsque je te demande de m’écouter, et que tu crois que tu dois faire quelques choses, pour solutionner mon problème, tu me brimes, aussi étrange que cela puisse te paraître.
Ecoute ! Tout ce que je te demande, c’est de m’écouter. Pas de parler ou de faire, ou juste m’entendre. Les conseils, je n’en ai que faire. Je peux accomplir mes choses; je ne suis pas sans ressources; peut-être suis-je découragé ou hésitant, mais je ne suis pas impuissant. Lorsque tu fais quelque chose à ma place et que je peux l’accomplir moi-même, tu contribues à ma peur et à ma faiblesse.
Mais lorsque tu acceptes, comme un simple fait, que je sente ce que je sens, aussi irrationnel que ce soit, alors je peux cesser de vouloir te convaincre et, travailler à comprendre ce qui se passe en moi. Et si un jour, tu désires parler, « je » t’écouterai à mon tour.
*Au début des années 1960, la thérapie familiale, qui avait fait ses premiers pas dans une quasi-clandestinité, est non seulement acceptée mais encore reconnue et recherchée, même par les organismes officiels. A la fois théorique et pratique, elle se veut une approche systémique des interactions au sein d’une unité donnée : la famille. Virginia Satir en a été l’une des pionnières, développant des stratégies innovatrices dans les relations humaines.
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DEVENIR VOTRE PROPRE PÈRE ET VOTRE PROPRE MÈRE
Pour aimer, il faut apprendre à relier et, pour apprendre à relier, il faut commencer par soi-même. Déjà, ne plus penser et agir vis-à-vis de vous en termes d’oppositions (mon pluriel est ici intentionnel) mais en termes de complémentarité. Trouver dans votre être les ferments de ce qui constitue l’essence même de vos deux instances intérieures. Ce sera votre instance nourricière d’abord, celle qui vous nourrit, dans tous les sens du terme : nourriture alimentaire, bien sûr, mais aussi relationnelle, émotionnelle, sentimentale, sexuelle, spirituelle, culturelle. Ce sera votre instance sécuritaire ensuite, celle qui vous permet de vous sentir protégé(e) dans votre environnement et dans votre foyer (d’un point de vue symbolique, la maison s’apparente au ventre de la mère), dans votre corps physique (bonnes conditions de vie et de santé), dans votre sphère sociale (entretenir de bonnes relations avec les autres), dans votre intimité (accepter ce qui me convient et ne pas accepter ce qui ne me convient pas). En fait, ce que j’essaie de vous faire comprendre, un peu maladroitement je suppose, c’est que vous devez vraiment apprendre à devenir votre propre mère, celle qui traditionnellement nourrit, et votre propre père, celui qui traditionnellement assure la défense, afin de recomposer ou renforcer â l’intérieur de vous la triade affective (voir C. Dolto-Tolitch). Là résident vos besoins de base essentiels, antidotes primordiaux à la subsidence dévoreuse d’équilibre, de vie et de bonheur. Tant que vous n’avez pas réintégré en vous ces deux instances, vous ne pouvez pas recomposer votre triade affective (moi, mère, père) et l’amour reste une quête infinie de l’autre, sans jamais devenir une rencontre. C’est pour cela que tant d’entre nous restent dubitatifs face à l’amour. Lorsqu’ils regardent ceux qui vivent l’amour en vérité et non pas seulement en paroles, ils se demandent s’il ne s’agit pas d’une supercherie ou d’une illusion.
…
L’amour est comme un souffle, spontanément perceptible aux sens de certains, moins immédiatement perceptible à d’autres, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas au plus profond d’eux-mêmes. Pour ma part, j’en avais certes senti les rafales, mais le souffle constant de la complémentarité amoureuse m’était étranger. Je ne connaissais pas l’amour, je n’en connaissais que les jeux, ceux qui vous font osciller à la manière d’un pendule trop impeccablement réglé entre captation et rejet, attirance et haine, consommation et consumation de l’autre. Je ne savais pas que, pour aimer réellement et non en seules belles promesses, il fallait non seulement que s’établisse un sentiment amoureux réciproque, non seulement apprendre à aimer nos différences, mais encore, comme le dit le poète Rainer Maria Rilke, apprendre à aimer la distance qui nous sépare. Aimer la distance qui nous sépare ? Ah ! combien de fois ai-je repensé à ces mots. Ils résonnaient en moi comme la plus énigmatique contradiction. Vous savez, ce genre de paradoxe qui vous cloue sur place, vous fige; un peu comme lorsqu’un parent dit à son enfant « Si tu demandes, tu n’auras pas » (Et si je ne demande pas, comment sauras-tu ce que je veux, alors ?). En fait, ce que je ne voyais pas, et ce que, je crois, nous ne voyons pas en général, c’est que l’amour n’est pas un but; l’amour est un pont. Un pont qui vous ouvre au continent de l’autre, avec ses langues, ses habitudes, ses coutumes et ses traditions. Avec ses mystères, ses différences, ses sensibilités, ses fragilités, aussi. L’amour est un passeport, mais nous, aveuglés par le désir de possession et de maîtrise, nous nous évertuons à en faire un douanier. Alors, au lieu de se multiplier, les sentiments amoureux se retirent, reléguant chacun des deux amants dans sa « réserve ». Et l’amour se fait comptable d’un temps limité, cadencé en reproches sur le rythme du jamais (Tu ne m’écoutes jamais, tu ne veux jamais faire l’amour…) et du toujours (C’est toujours toi qui as le dernier mot, toujours toi qui décides tout…) alors qu’il devrait ouvrir sur un sentiment d’éternité. Aimer la distance qui nous sépare, c’est aimer l’ambiance que crée l’autre par sa présence en notre présence, c’est profiter, à la manière d’un tremplin, de son énergie, de son activité, de sa créativité, de son unicité, c’est s’enrichir de sa conception du monde, et réciproquement évidemment. C’est se caler sur l’énergie positive que produit notre contact amoureux pour essayer d’atteindre à notre première nature dont parle Platon et retrouver ainsi l’unité primordiale dans laquelle non seulement nous ferons un avec l’autre (tout en restant deux), mais aussi avec le monde, jusqu’à devenir monde nous-mêmes. Cette conception vous paraîtra peut-être follement exigeante, irréalisable même pour certains d’entre vous, ou trop romantique pour d’autres, mais là est, à mon avis, le sens de l’amour. Et c’est en cela aussi que réside son caractère sacré. L’important n’est pas de savoir si nous pouvons y accéder mais au moins y aspirer. « La terre promise vous entoure, prophétisait Montherlant, mais vous ne le savez pas. » Accoster à cette belle terre, nous l’avons vu, est une tâche délicate. Dans notre culture, on nous apprend si mal à aimer et nous avons nous-mêmes négligé tant de leçons. L’amour n’est pas une illusion ; il existe vraiment. Mais trop souvent, par paresse, par égoïsme, par sentiment d’impuissance, par peur de la vie, nous n’osons pas emplir la voile de ce souffle, et notre embarcation ne parvient pas à accoster à son rivage. À chaque tentative, les récifs nous guettent et les tempêtes de la passion menacent de nous engloutir. Pour accoster au rivage de l’amour, il nous faudra apprendre à changer notre mentalité, apprendre à vivre dans la complémentarité. Relier au lieu de séparer, pour devenir d’accord avec le plus profond de nous-mêmes, avec cette microscopique partie d’universalité que nous portons en nous et qui nous rattache à cette terre que nous croyons sans cesse promise alors qu’elle nous porte déjà en elle.
Patrick Estrade (Comment je me suis débarrassé de moi-même) Les 7 portes du changement
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LAISSE MOI TE RACONTER …
Demian est un jeune garçon qui consulte son psy régulièrement et lui fait part de ses interrogations, de ses doutes, de ses peurs. En écho à chaque problème son psy lui raconte une histoire.
Quand j’étais petit, j’adorais le cirque, et ce que j’aimais par-dessus tout, au cirque, c’étaient les animaux. L’éléphant en particulier me fascinait ; comme je l’appris par la suite, c’était l’animal préféré de tous les enfants. Pendant son numéro, l’énorme bête exhibait un poids, une taille et une force extraordinaires… Mais tout de suite après et jusqu’à la représentation suivante, l’éléphant restait toujours attaché à un petit pieu fiché en terre, par une chaîne qui retenait une de ses pattes prisonnière. Mais ce pieu n’était qu’un minuscule morceau de bois à peine enfoncé de quelques centimètres dans le sol. Et bien que la chaîne fût épaisse et résistante, il me semblait évident qu’un animal capable de déraciner un arbre devrait facilement pouvoir se libérer et s’en aller. Le mystère reste entier à mes yeux. Alors, qu’est ce qui le retient ? Pourquoi ne s’échappe t-il pas ? A cinq ou 6 ans, j’avais encore une confiance absolue dans la science des adultes. J’interrogeai donc un maître, un père ou un oncle sur le mystère du pachyderme. L’un d’eux m’expliqua que l’éléphant ne s’échappait pas parce qu’il était dressé. Je posais alors la question qui tombe sous le sens : « S’il est dressé, pourquoi l’enchaîne-t-on ? Je ne me rappelle pas qu’on m’ait fait une réponse cohérente. le temps passant, j’oubliai le mystère de l’éléphant et de son pieu, ne m’en souvenant que lorsque je rencontrais d’autres personnes qui un jour, elles aussi, s’étaient posé la même question. Il y a quelques années, j’eus la chance de tomber sur quelqu’un d’assez savant pour connaître la réponse :
L’éléphant du cirque ne se détache pas parce que, dès tout petit, il a été attaché à un pieu semblable.
Je fermai les yeux et j’imaginai l’éléphant nouveau-né sans défense, attaché à ce piquet. je suis sûr qu’à ce moment l’éléphanteau a poussé, tiré et transpiré pour essayer de se libérer, mais que, le piquet étant trop solide pour lui, il n’y est pas arrivé malgré tous ces efforts. Je l’imaginai qui s’endormait épuisé et, le lendemain, essayait à nouveau, et le surlendemain… et les jours suivants… Jusqu’à ce qu’un jour, un jour terrible pour son histoire, l’animal finisse par accepter son impuissance et se résigner à son sort. Cet énorme et puissant pachyderme que nous voyons au cirque ne s’échappe pas, le pauvre, parce qu’il croit en être incapable. Il garde le souvenir gravé de l’impuissance qui fut la sienne après sa naissance. Et le pire, c’est que jamais il n’a tenté d’éprouver à nouveau sa force. « C’est ainsi Demian ! Nous sommes tous un peu comme l’éléphant du cirque : nous allons de par le monde attachés à des centaines de pieux qui nous retirent une partie de notre liberté. « Nous vivons avec l’idée que « nous ne pouvons pas » faire des tas de choses, pour la simple et bonne raison qu’une fois, il y a bien longtemps, quand nous étions petits, nous avons essayé et n’avons pas réussi.
Jorge Bucay
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GRAINES DE RÊVES
Dans le silence de ma réflexion je perçois tout mon monde intérieur comme si c’était une graine, d’une certaine manière petite et insignifiante, mais également chargée de possibilités.
… Et je vois dans ses entrailles le germe d’un arbre magnifique, l’arbre de ma propre vie en train de se développer.
Dans sa petitesse, chaque graine contient l’esprit de l’arbre qu’elle sera plus tard. Chaque graine sait comment devenir un arbre en tombant sur une terre fertile, en absorbant les sucs qui la nourrissent, en étendant les branches et le feuillage, en se couvrant de fleurs et de fruits, pour pouvoir donner ce qu’ils ont à donner.
Chaque graine sait comment réussir à être un arbre. Et les graines sont aussi nombreuses que le sont les rêves secrets.
En nous d’innombrables rêves attendent le moment de germer, de faire des racines et de naître, de mourir en tant que graines… pour se transformer en arbres.
Des arbres magnifiques et orgueilleux qui à leur tour nous disent, dans leur solidité, d’écouter notre voix intérieure, d’écouter la sagesse de nos graines de rêves.
Eux, les rêves, indiquent le chemin par toutes sortes de symboles et de signes, dans chaque fait, à chaque instant, parmi les choses et les personnes, dans les souffrances et les plaisirs, dans les triomphes et les échecs. Le rêve nous apprend, endormis ou éveillés, à nous voir, à nous écouter, à prendre conscience. Il nous montre la voie par des pressentiments fugitifs ou des éclairs d’aveuglante lucidité.
Et ainsi nous grandissons, nous nous développons, nous évoluons…
Et un jour, alors que nous avancerons dans cet éternel présent que nous appelons « la vie », les graines de nos rêves se transformeront en arbres, et déploieront leurs branches qui, telles des ailes gigantesques, traverseront le ciel, unissant d’un seul trait notre passé et notre futur
Il n’y a rien à craindre… une sagesse intérieure les accompagne… car chaque graine sait comment devenir un arbre.
Jorge Bucay « Je suis né aujourd’hui au lever du jour »
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NE PLUS AGIR EN SAUVEUR
Êtes vous un sauveteur?
Vous arrive-t-il de venir en aide à des personnes qui ne vous ont pas clairement exprimé qu’elles avaient besoin de vous ?
Vous sentez-vous coupable ou fautif lorsque quelqu’un de votre entourage éprouve des difficultés à se prendre en charge ?
Vous sentez-vous quelquefois en colère parce que vous êtes convaincu que cette personne irait beaucoup mieux si elle suivait vos directives ?
Vous arrive-t-il de vous sentir exploité dans votre travail et d’avoir l’impression que vous n’êtes pas apprécié malgré tout ce que vous faites pour aider les autres ?
Si vous avez répondu: OUI, à une de ces questions, il est possible que vous adoptiez à l’occasion des comportements de sauveteur à l’égard de votre entourage. Ces comportements vous placent dans une situation inconfortable et risquent de vous mener à l’épuisement. Ils peuvent vous empêcher d’aider les personnes qui ont légitimement besoin d’aide et le demande.
Les sauveteurs potentiels
Plusieurs personnes ont choisi de travailler dans les secteurs de la santé et des services sociaux, motivées par le désir d’aider. Elles ont généralement une conscience sociale plus développée et sont sensibles aux difficultés vécues par leur entourage. La compassion qu’elles ressentent guide une attitude authentique et leur permet d’accorder leur aide en toute connaissance de cause. Cependant, l’aidant doit se protéger des missions de sauvetage ou de l’investissement total en autrui qui sont désastreuses pour lui-même et les personnes qu’il souhaite aider. Effectuer un sauvetage prive souvent l’autre de sa liberté d’action. La motivation du sauveteur est souvent d’accomplir un exploit qui s’éloigne du désintéressement propice à une aide thérapeutique.
D’après Melody Beattie, thérapeute auprès d’alcooliques et de toxicomanes, les attitudes du sauveteur se retrouvent beaucoup chez les conjoints d’alcooliques. Il s’agit d’une des composantes propre à la codépendance que vivent ces personnes à l’égard des conjoints alcooliques. Le codépendant agit souvent en sauveteur en se sacrifiant pour l’autre. Il vole à son secours en mettant de côté ses propres besoins, émotions et désirs. Selon Melody Beattie, le sauvetage est constitué de « tous les actes qui contribuent à faire qu’un alcoolique continue de boire, qui l’empêchent d’en supporter les conséquences ou lui rendent les choses plus faciles sans qu’il ait rien à changer à ses habitudes ». Un autre thérapeute, Scott Egleston signale que « l’on agit en sauveteur chaque fois que l’on prend quelqu’un en charge, dans ses pensées, ses sentiments, ses décisions, ses attitudes, son évolution, son bien-être, ses problèmes ou son destin. »
Le triangle de Karpman
Les observations de Stephen B. Karpman sur les comportements de sauveteur et les rôles correspondants lui ont permis de mieux comprendre cette dynamique qu’il résume dans un triangle étonnamment véridique.
TRIANGLE TRAGIQUE DE KARPMAN
La dynamique
C ‘est souvent de la pitié, de la culpabilité ou simplement l’anxiété qui mettent le sauveteur en action. Celui-ci est la plupart du temps convaincu qu’il doit absolument faire quelque chose. Il croit savoir ce qu’il faut faire mieux que quiconque, se sent indispensable et irremplaçable même si on ne lui a rien demandé. Il est porté à croire que le monde ne peut fonctionner sans lui, que la personne en face de lui est incapable de se débrouiller seule, de se prendre en charge elle-même. En fait, il se croit plus compétent que la personne elle-même pour décider de ce qui est bon pour elle. Le sauveteur agit avec une bonne intention, il se sent à cette étape une âme charitable et un grand coeur, mais il protège quelqu’un sans tenir compte de ses besoins réels.
Malgré cette image de pureté relative, c’est plutôt pour se libérer de l’inconfort ressenti par la détresse de l’autre, que le sauveteur passe à l’action. Malheureusement, il se rend compte rapidement qu’il ne voulait pas vraiment faire cela, il s’irrite et la plupart du temps il s’en veut. Il s’aperçoit que ce qu’il a fait n’était pas vraiment de son ressort ou encore il se retrouve avec des problèmes qui ne le concernent pas ou sont très différents de ce qu’il avait imaginé. Il se demande s’il n’est pas allé trop loin, ne sait plus où s’arrêter et voit la dépendance de l’autre s’installer. Bref, il s’est sacrifié et il s’en veut. De plus, la victime, cette âme en détresse ne lui témoigne aucune reconnaissance. Elle ne se comporte pas correctement et n’écoute plus les conseils. Elle se sent contrôler, incapable d’agir et résiste.
Le persécuteur et la victime
Loin de s’améliorer, la personne sauvée, libre de toutes responsabilités, poursuit ses comportements destructeurs et elle a tout le loisir d’en faire le reproche au sauveteur. Si celui-ci est convaincu de sa mission, il poursuit un peu plus ses efforts, toujours en laissant de côté ses besoins et désirs. A ce moment, le sauveteur peut finir par s’épuiser et abandonner. Il se sent alors exploité, vidé et devient lui-même victime. Autrement, il laisse le gilet de sauvetage pour le gourdin et se transforme en persécuteur. Il impose des règles sévères qui doivent être respectées. Il surveille attentivement le comportement de l’autre et au moindre écart, intervient. Il se met en colère et menace de couper les privilèges. Dans le couple où un conjoint est alcoolique, c’est à cette étape que le sauveteur menace de le quitter s’il ne stoppe pas sa consommation d’alcool. Quelquefois cette tactique fonctionne, mais le changement est factice puisque le buveur est menotté plutôt que libéré de son alcoolisme.
En harcelant, contrôlant et persécutant l’autre, le sauveteur finit tôt ou tard dans le coin de la victime. Les sentiments à cette étape sont extrêmement douloureux et vont de la perte d’estime à une sensation profonde d’inadéquation. Malheureusement, le cycle continue de se répéter tant et aussi longtemps que le sauveteur ne se rend pas compte de sa dynamique. Il parcourt à nouveau le triangle de Karpman, quelquefois en une journée, quelquefois en plusieurs mois.
Se libérer du sauvetage
Il n’est pas facile pour le sauveteur de changer sa façon d’agir. Comme nous l’avons dit, il ressent au point de départ de la pitié, de la culpabilité ou de l’anxiété et c’est pour calmer ses émotions désagréables qu’il se porte au secours de l’autre. Cette façon de réagir, le sauveteur l’a souvent apprise dans son enfance surtout s’il a dû prendre soin d’un parent malade, alcoolique ou souffrant d’un problème d’adaptation sociale. Même enfant, il a dû prendre soin de l’autre à un moment de sa vie où il aurait dû apprendre à prendre soin de lui-même. Ainsi, il perpétue à l’âge adulte ce qu’il a appris dans l’enfance et continue de porter secours à tous sauf à lui-même. Le sauveteur a de la difficulté à reconnaître ses propres désirs, ses propres besoins. C’est à travers les autres, et à son propre détriment, qu’il cherche à se valoriser et à se réaliser. Pour ne plus avoir besoin de voler au secours des autres, il doit apprendre à prendre soin de lui-même. Il doit le faire malgré la culpabilité, la tristesse et la colère qui surgissent lorsqu’il se rend compte qu’il s’est négligé pendant tant d’années.
Pour briser le cycle du sauvetage et sortir du triangle, le sauveteur doit d’abord se prendre en charge lui-même mais il doit aussi, au quotidien, apprendre à distinguer le rôle d’aidant du gilet de sauveteur. En premier lieu, lorsque quelqu’un près de lui vit une difficulté, l’aidant doit prendre le temps de bien écouter le message qui lui est livré en intervenant le moins possible. Quelquefois, écouter suffit mais si ce n’est pas le cas, écouter lui permettra d’évaluer s’il peut être utile ou non.
Deuxièmement, il est primordial d’avoir une demande claire avant d’aider quelqu’un, dans la mesure où la personne a la possibilité de faire cette demande. Il est souvent utile de poser simplement la question: « Aimeriez-vous avoir mon aide ? » Par la suite, il est possible de clarifier si tout le problème est de son ressort où s’il n’aura pas, lui aussi, besoin d’aide.
Avant de passer à l’action, l’aidant peut se poser plusieurs questions :
- suis-je la meilleure personne pour répondre à cette demande ?
- de quelle façon vais-je partager les responsabilités ?
- quel est mon objectif ?
- qu’est-ce que je dois éviter de faire ?
- quelles sont les limites à l’aide que je désire prodiguer ?
- suis-je confortable avec l’aide que je me prépare à offrir ?
Finalement, les besoins, les désirs et le bien-être de l’aidant ne devraient jamais souffrir ou alors le moins possible, du secours qu’il porte à autrui. Lorsque l’inconfort surgit c’est le meilleur signal d’alarme pour qu’il se rende compte qu’il se sacrifie au lieu d’aider et que le sauveteur se prépare à faire son apparition. (Cet article a été publié dans Psychologie Québec en août 1994.) Par Alain Rioux Psychologue
Bibliographie : Beattie, M. (1992). Vaincre la codépendance. Montréal: Éditions Hazelden.
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LES SEPT BESOINS CAPITAUX DE L’ENFANT
1 – Etre aimé inconditionnellement Un enfant doit être aimé inconditionnellement. Il doit sentir que sa présence n’est pas un poids pour ses parents mais au contraire une source de joie et de bonheur. Il doit se sentir entouré de tendresse et de chaleur. Être aimé inconditionnellement, c’est être aimé tout court, sans le moindre « si » : l’enfant doit se sentir aimé même s’il ne rend pas service, même s’il n’est pas gentil, même si ses résultats scolaires fléchissent, même si sa chambre est mal rangée, même s’il a fait des bêtises ou s’il n’est pas l’enfant parfait que ses parents espèrent. Avez-vous le sentiment d’avoir été aimé ainsi ?
2 – Etre protégé physiquement et psychiquement Un enfant doit être protégé physiquement de l’hostilité de l’environnement, c’est-à-dire du froid, de l’eau, des voitures, des animaux, des accidents domestiques. Il doit de la même façon être respecté, c’est-à-dire protégé psychiquement des gens susceptibles de l’agresser, de lui faire peur, voire d’abuser de lui, en un mot de menacer son intégrité. Avez-vous été assez protégé ?
3 – Etre valorisé Un enfant doit être valorisé. Il doit sentir que ses parents sont attentifs à ce qu’il fait, et qu’ils l’encouragent dans ses réalisations si petites soient-elles. Si ses parents font les choses à sa place, même pour être gentils, l’enfant risque d’en déduire qu’il est trop bête ou pas assez doué pour qu’on lui fasse confiance. L’enfant se sent valorisé quand il est admiré, non pour ses réussites, mais pour ses progrès. Si un comportement est valorisé, il aura tendance à se maintenir alors que des remarques négatives auront l’effet inverse. Par exemple, un enfant timide va vers un autre enfant dans une aire de jeux. Si ses parents lui expriment leur satisfaction, il aura envie de réitérer ce type de comportement. Si au contraire, il s’est fait gronder parce qu’il n’a pas dit bonjour à la maman de son camarade, il s’enfoncera dans le retrait et osera encore moins sortir de son inhibition. Avez-vous été un enfant encouragé et valorisé ?
4 – Etre compris, entendu Un enfant doit être compris et entendu. Il le sera d’autant mieux que ses parents auront su se mettre à sa place d’enfant, c’est-à-dire auront été empathiques. Les parents qui manquent d’empathie exigent de l’enfant des choses qu’il n’a pas l’âge de réaliser. Ou alors, ils plaquent les conditions de leur propre enfance sur la sienne sans tenir compte du contexte différent dans lequel il évolue. Ils ne comprennent pas ou ne cherchent pas à comprendre ce que l’enfant ressent. Ils dénient sa peine ou s’exaspèrent de ses plaintes : « tu n’as aucune raison de pleurer ou de te plaindre », « il y a plus malheureux que toi ». Avez-vous été un enfant écouté ?
5 – Etre progressivement responsabilisé et sentir en face de soi des limites réalistes Un enfant doit être responsabilisé progressivement et sentir des limites réalistes : il a besoin de sentir des limites pour ne pas se penser tout-puissant. La période où le besoin de limites se fait le plus sentir est l’adolescence. Mais sentir brutalement des limites à cette période s’il n’y a jamais été confronté antérieurement est en général voué à l’échec. Poser des limites se fait non seulement par des mots, mais aussi par des actes. Si on lui dit « non » plusieurs fois et que, malgré cela, l’enfant poursuit la bêtise qu’il est en train de faire sans que cela ait de conséquences, le « non » n’a pour lui aucun sens. Il est important que l’enfant sente derrière les mots la fermeté des actes. Avez-vous, enfant, senti des limites réalistes ? Un enfant doit être responsabilisé progressivement, il ne doit pas être surprotégé. Il doit être responsabilisé dans les mesures de ses possibilités. C’est lui donner les moyens d’avoir confiance en lui en se basant sur ce qu’il est capable de faire. Cela suppose donc qu’on ait pris le temps de le lui montrer ou de le lui expliquer dans un langage accessible. Il doit avoir la possibilité de se tromper et de recommencer. La responsabilisation progressive de l’enfant est adaptée à l’augmentation de la complexité des apprentissages. Il est doucement amené à être autonome. Vous êtes-vous senti guidé vers l’âge adulte ?
6 – Etre éveillé et aidé à développer sa curiosité L’enfant doit être éveillé au monde. Or, il se développe essentiellement par imitation. L’exemple de parents ouverts suscitera généralement chez lui la curiosité et l’intérêt pour le monde, les choses et les êtres qui l’entourent. Avec des parents renfermés, campés sur des certitudes, qui ne voient ni ne reçoivent personne, il aura tendance à reproduire leur façon de faire. Avez-vous été un enfant qu’on a intéressé au monde extérieur ?
7 – Sentir autour de soi de la stabilité Un enfant doit vivre dans un univers stable (la stabilité ne dépendant pas toujours des parents). • L’affection ne doit pas, par exemple, fluctuer avec le vécu des parents. C’est parfois le cas après un divorce : l’un ou l’autre des parents reporte son affection sur l’enfant qui sert alors de « tampon » affectif. Quelque temps plus tard, ce parent refait sa vie, devient beaucoup moins disponible affectivement. L’enfant, subitement délaissé, se sent aimé de façon instable. • La valorisation et la compréhension doivent, elles aussi être stables. • Il en va de même pour la protection physique et psychique. • Les limites réalistes doivent être invariantes d’un parent à l’autre. Bien sûr, à l’adolescence, vu l’augmentation des demandes, ces limites doivent évoluer. Les adolescents qui « testent » cherchent à mesurer la solidité de ces limites. C’est souvent une période difficile pour les parents qui devront se justifier de tout, probablement se remettre en question mais aussi rester solides. • Quant à la responsabilisation, elle doit croître peu à peu pour préparer à l’âge adulte et donner la conscience de sa force et de ses possibilités.
« Comment ne pas se gâcher la vie » Stéphanie Hahusseau
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TROIS VOIX, TROIS RÉFÉRENCES POUR VIVRE ET AGIR
La voix des autres
La première référence dans ma vie, c’est bien la voix des autres. C’est elle qui guide mes premiers pas. C’est elle qui préside à mon éducation. La voix des autres a un rôle d’avant garde dans mon devenir. Elle me précède et je la suis à la trace. Elle représente pour moi la sécurité, l’espoir, la vie. Sans elle, je suis perdu. Mon instinct n’a que le sens et la direction de cette voix. Je la cherche. Je l’attends. Je la guette. Je suis tendu vers elle. Cette voix est toute-puissante. Elle est mon dieu. Dès qu’elle se manifeste j’ai la sensation d’exister. Je suis rassuré. Je suis tranquille. J’appartiens à quelqu’un. Ce quelqu’un se penche sur moi. Ce quelqu’un tient ma vie dans sa main. Mon amour est sans bornes pour cette voix. Je l’aime avec passion, plus que moi-même. Si elle vient à me manquer je ne suis rien. Je ne suis qu’une toute petite chose impuissante, vulnérable, fragile. La voix des autres a un pouvoir souverain sur moi quand je suis jeune enfant. Je m’en remets à elle avec une confiance absolue. Mon besoin est tel que pour aucune raison je ne veux prendre le risque de la perdre. C’est une question de vie ou de mort. La voix des autres fait partie du processus normal de ma croissance. Sans elle je ne peux devenir ce que je suis. Cependant, la voix des autres, si elle est juste parfois, sonne faux à d’autres moments. Elle est juste quand elle s’adresse à moi comme à une personne et qu’elle se met au service de ma vie unique et originale. Alors elle prononce pour moi des paroles de sagesse qui m’apprennent à grandir. Elle m’interpelle avec foi. Elle croit en mes capacités. Elle a un ton et des accents de respect. Elle tient compte de mes limites et de mes différences. Elle est ferme et nette pour me prémunir du danger. Elle est intelligente pour m’outiller face à ce danger. Elle est bonne et douce devant ma souffrance. La voix trompeuse des autres est fausse chaque fois qu’elle me considère comme un objet ou comme un petit animal sauvage. Elle me manipule ou me dresse. Cette voix alors me trahit profondément. Comme je n’ai d’autre choix que de lui remettre ma vie sans condition, je subis l’influence nocive de cette voix. Cette influence m’imprègne de peur, de culpabilité, de mensonge. Je suis trompé sur qui je suis. Je suis trompé sur l’amour. Je suis trompé sur la vie. Le problème est que cette voix que j’ai suivie durant mon enfance me poursuit durant ma vie d’adulte. Intérieurement, elle me harcèle de ses interdits, de ses jugements, de ses principes, de ses croyances. Bien longtemps après que la voix extérieure s’est tue, je l’entends toujours en moi, aussi présente, aussi claire, aussi choquante. Adulte, je me sens coupable de la transgresser. Je me sens menacé de rejet ou d’abandon si je ne lui obéis pas. Je me sens indigne d’amour et sans valeur si j’ose m’insurger contre elle. Je demeure alors assujetti à la voix des autres. Dans mon présent, je subis leurs attentes et leurs exigences. Pour leur plaire, je nie mes besoins et mes limites. Pour ne pas les perdre, je multiplie mes efforts et je les laisse exploiter mon potentiel à leur profit. On dit que la peur est le commencement de la sagesse. Si elle me conduit, elle m’entraîne tout droit à l’impasse de la servitude. Je suis alors l’esclave de la voix des autres. J’agis en fonction des autres. Je décide ce qu’ils veulent que je décide. Je pense ce qu’ils souhaitent que je pense.
La voix de ma tête
La voix des autres me garde tourné vers l’extérieur en attente de directives pour agir. La voix de ma tête s’élève contre la première afin de prendre le pouvoir sur ma propre vie. La voix de ma tête est plus ou moins réactionnaire. Elle marque cependant toujours une tentative de rupture avec la voix des autres. C’est une affirmation du «je veux» en opposition à ce que les autres attendent ou veulent de moi. Je veux décider de ma vie. Je veux être affranchi. Je veux être libre. La voix de ma tête réagit à la voix des autres. Si la voix des autres a été juste envers moi durant mon enfance, la voix de ma tête m’entraînera à prendre une distance face à cette voix mais sans grand fracas. La voix des autres m’ayant permis de grandir et de m’enraciner dans mon identité, ma sécurité personnelle me permet de prendre les guides de ma vie sans avoir à m’emparer de mon pouvoir. Je délaisse la voix des autres simplement pour être moi. Je me bâti une conception de la vie à partir de mes réflexions. Je me bâti une image de ce que je veux devenir à partir de mes espoirs. Je me bâtis une organisation de vie à partir de mes besoins et de mes goûts. J’établis mes priorités, mes valeurs, mes croyances. Je passe de la pensée de tout le monde à ma pensée personnelle. Ma tête devient le centre de mes décisions. Mon ordinateur se met en place et prend sa place. À cause de l’inexpérience ou de la mauvaise expérience de la vie, il a tendance à se protéger, à se fermer sur lui-même. Il est plutôt mécanique et rigide. C’est la sécurité que ma tête se donne pour fonctionner sur circuit indépendant. Si la voix des autres a été fausse, qu’elle m’a trompé, la voix de ma tête va donner des secousses. Sa réaction en sera une d’opposition, de rejet et même de violence. J’arrache le pouvoir à tout prix. Je veux être le seul maître à bord. Dans ma frénésie de pouvoir, je risque de jeter le bébé avec l’eau du bain. La voix de ma tête oriente mes décisions et mon action en fonction de mes ambitions personnelles. J’ai tendance dans mes choix à ne tenir compte ni des autres ni de ma vie profonde. Je m’impose des exigences souvent très grandes et j’en impose aussi aux autres. Je ne tiens compte que d’une partie de la réalité: celle qui répond à mes calculs de succès et d’efficacité. Je décide et j’agis en général par principe et devoir et je répugne à être remis en question. La voix de ma tête est intransigeante. Elle accepte mal pour moi la limite, l’erreur ou l’échec. J’ai une notion de liberté très individualiste. Je décide ce que je veux, comme je veux, quand je veux. La voix de ma tête, quand elle s’exprime en réaction à la voix des autres, plane souvent au-dessus des contingences de la vie ordinaire. Elle m’expose à des décisions risquées pour moi et pour les autres. J’ai la double image de chevalier sans peur et sans reproche et de l’habile diplomate pour qui la fin justifie les moyens. La voix de ma tête est alors menée par le désir de me valoriser, par la volonté de succès, par l’espoir de contrôler ma vie et celle des autres. Cette voix de ma tête me conduit vers l’abus de pouvoir ou vers l’indépendance. La voix de ma tête est le passage naturel entre la voix des autres et la voix de ma vie. Elle a des accents justes et des accents faux selon qu’elle est une prise de distance normale par rapport à la voix des autres ou qu’elle est en réaction intempestive à cette même voix.
La voix de ma vie
La voix des autres garde le pouvoir à l’extérieur de moi. Elle me détourne pour ainsi dire du lieu où se situe l’enjeu de mon existence. Je dois accéder à un certain pouvoir sur ma vie. La voix de ma tête me fait faire le virage de l’extérieur vers l’intérieur. Cependant, cette voix, tout en étant centrée sur moi demeure superficielle. Elle a tendance à tourner sur elle-même. Elle demeure à un niveau rationnel qui n’atteint pas l’essence de qui je suis. La voix de ma vie est la seule qui soit branchée à ma source profonde qui donne sens et direction à mon existence. La voix de ma vie fait descendre ma tête au cœur de ma vérité intérieure. Le pouvoir de décision comme tel se situe toujours dans ma tête, mais la référence qui doit guider sa décision vient d’un lieu plus intime, plus essentiel. Ma tête ne peut, au risque de me perdre, s’arroger un pouvoir indépendant de ma vie. C’est ma vie qui a la réponse à qui je suis. Ma tête met son pouvoir de décision, non au service d’elle-même, mais au service de ma vie. Oui, c’est ma vie qui a la vraie réponse. Ma vie, c’est la force qui me fait être moi : une personne différente de toutes les autres. Mon identité originale est constituée de l’ensemble de mes qualités et aptitudes. Cette identité possède un dynamisme de croissance qui la pousse à s’accomplir aussi pleinement que possible à l’intérieur des contours qui la circonscrivent. Ma vie fait entendre sa voix quand elle n’est plus étouffée par la voix des autres ou par la voix de ma tête. Longtemps ces trois voix se partagent le territoire de mes décisions. La voix de ma vie est celle qui a le plus de peine à se manifester. Elle est la plus profonde, la plus lointaine, la plus exigeante. Pour la rejoindre et entrer en contact avec elle, un long travail de déblayage de ma route intérieure doit être fait. Ce qui fait justement l’objet de la psychothérapie: ouvrir le chemin qui donne accès à une liberté authentique. Grâce à cette dernière, ma tête peut décider à partir des messages que ma vie émet. La voix de ma vie est réaliste. Elle oriente ma tête vers la décision la plus appropriée à moi aujourd’hui. La voix de ma vie est donc personnelle et actuelle. Ma vie se situe dans le présent de chaque jour. Je change. J’évolue. Je ne suis plus ce que j’étais hier. Je ne suis pas encore ce que je serai demain. Je suis qui je suis aujourd’hui! Ma vie ne peut parler pour hier qui n’est plus ni pour demain qui n’existe pas. Ma vie concrète n’a qu’un temps: le présent. Ma vie est personnelle. Elle ressemble à celle de toutes les autres personnes humaines. Pourtant, elle en est radicalement différente. Je suis un être à exemplaire unique. Je suis une exclusivité ! J’ai mon bagage génétique individuel me venant d’un ovule particulier et d’un spermatozoïde particulier. Ces deux particuliers forment ensemble un nouveau particulier: moi. Bien sûr, on parle de clonage… Pour l’instant, cela est un rêve scientifique. Est-il réaliste? Génétiquement, peut-être. Et après ? L’histoire de ces individus identiques pourra-t-elle être calquée l’une sur l’autre dans le menu détail des circonstances de la vie ? Pour le moment je suis seul à être qui je suis avec l’histoire qui est mienne depuis ma conception à ce jour. Aucune autre réponse que la mienne ne peut me convenir. I1 n’y a qu’une bonne réponse pour moi. Ce n’est pas celle des lois civiles ou religieuses, ni celle de ceux qui m’aiment le plus, ni celle des plus grands experts. C’est la mienne. La réponse qui surgit de mes propres entrailles. La réponse vivante qui monte de la sève de mes racines. La réponse qui baigne dans ma source qui elle-même s’alimente à la grande Source qui est Vie. La voix de ma vie me parle du sens et de la direction de mon existence à partir de mes capacités personnelles, de mes limites actuelles et de mes aspirations d’accomplissement. La voix de ma vie est donc fonction de qui je suis, en tenant compte de ce que je peux aujourd’hui. Elle m’appelle à devenir moi dans toute mon originalité, incarnant progressivement à ma manière les valeurs spirituelles de justice, de paix, de liberté, de vérité, d’amour.
« La réponse est en moi » Micheline LACASSE Editions de l’homme